Les réformes institutionnelles peuvent contribuer à accroître les investissements privés dans les infrastructures.
Selon une nouvelle étude d’IFC, l’Afrique subsaharienne pourrait obtenir du secteur privé les investissements supplémentaires dont elle a grand besoin, en mettant davantage l’accent sur la qualité de la réglementation et les réformes institutionnelles. Ainsi, des améliorations dans des domaines comme le renforcement de l’état de droit et la réduction du niveau de corruption permettraient d’obtenir un supplément d’investissement privé de l’ordre de 0,8 % du PIB sur quatre ans, soit 20 milliards de dollars. Les retombées concerneraient tous les secteurs, notamment l’énergie, l’environnement, les services municipaux, les télécommunications, l’informatique, le transport et l’eau.
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Février 2023
Les points marquants
- En réformant la réglementation dans les domaines qui touchent à l’investissement et au développement du secteur privé (comme les règles de propriété, l’accès au marché ou le rapatriement de devises) il serait possible de doper les investissements privés dans les infrastructures de l’Afrique subsaharienne de l’ordre de 0,8 % du PIB sur quatre ans, soit 20 milliards de dollars.
- Des améliorations institutionnelles dans d’autres domaines, comme la lutte contre la corruption, l’état de droit, l'expression citoyenne et l'éthique de responsabilité, pourraient fournir à ces pays entre 0,4 et 0,5 point de PIB supplémentaire sur quatre ans.
- Il apparaît qu’en règle générale, les pays à faible revenu tirent un plus fort bénéfice des réformes que ceux à revenu intermédiaire.
Il est devenu plus urgent que jamais de doper les investissements privés dans les infrastructures, au vu des difficultés budgétaires croissantes que rencontrent les gouvernements africains à la suite de la pandémie de COVID-19, et aussi, plus récemment, du ralentissement de l’économie mondiale. À l’heure actuelle, à peine 10 % des investissements dans les infrastructures de la région proviennent du secteur privé. Si ce dernier tient compte de nombreux facteurs pour décider d’investir dans les infrastructures, notamment du coût des emprunts, de la stabilité macroéconomique et de l’ouverture au commerce, l’amélioration de la qualité de la gouvernance peut aussi s’avérer un important moteur d’investissement.
Pour cette étude, IFC a analysé 477 investissements du secteur privé menés dans 36 pays d’Afrique entre 2008 et 2019, pour une valeur totale de 107,3 milliards de dollars, le volume des investissements variant de 6,15 milliards de dollars au Nigéria à 1,2 million de dollars en Tanzanie. Les données utilisées proviennent principalement de deux sources : la Banque mondiale et IJGlobal, une société de veille commerciale spécialisée dans les infrastructures et l’énergie. Différentes composantes des systèmes de gouvernance des pays ont été étudiées : lutte contre la corruption, état de droit, qualité de la réglementation, et expression citoyenne et éthique de responsabilité. IFC a utilisé une méthode de modélisation économétrique pour tester l’impact qu’auraient des améliorations institutionnelles dans chacun de ces domaines, ce qui a permis de faire des projections sur les réformes qui susciteraient les plus fortes augmentations de l’investissement privé.
L’étude montre que l’amélioration du cadre réglementaire entraînerait un investissement supplémentaire de l’ordre de 0,8 % du PIB sur quatre ans. Les améliorations dans la lutte contre la corruption et dans l’expression citoyenne et l’éthique de responsabilité apporteraient un surplus de 0,5 point de pourcentage, et celles concernant l’état de droit 0,4 point de plus. En outre, les gains varient d’un pays à l’autre. Si l’augmentation potentielle de l’investissement privé s'élève en moyenne à 0,8 % du PIB sur quatre ans pour l’ensemble de la région, elle dépasse 1,5 % du PIB pour le Gabon, le Libéria, Madagascar, la Mauritanie et le Rwanda.
Surtout, l’étude montre que les plus petites économies ont tendance à tirer le plus grand bénéfice des réformes réglementaires. L’économie du Rwanda, qui représente un huitième de celle du Kenya, bénéficierait par exemple d’un surplus d’investissement de l’ordre de 2,6 points de pourcentage de PIB de plus que le Kenya en menant des réformes continues de la réglementation pendant quatre ans. Ce constat a d’importantes implications politiques pour les économies les plus petites puisqu’il apparaît qu’en mettant l’accent sur la qualité institutionnelle et réglementaire, ces pays pourraient mieux concurrencer les plus grosses économies voisines dans la recherche des investissements.
Tandis que les perspectives économiques mondiales continuent de s’assombrir et que les gouvernements africains se trouvent confrontés à une contraction croissante de leur espace budgétaire, il devient essentiel de réussir à accroître la part du secteur privé dans les investissements en infrastructures pour les prochaines années. La conduite de réformes institutionnelles bien ciblées, en particulier d’ordre réglementaire, constituera un outil efficace en la matière.
À propos des auteurs
Zivanemoyo Chinzara est économiste à la Société financière internationale (IFC), où il travaille sur le Moyen-Orient. Il réalise des analyses macroéconomiques, des diagnostics pays, des études stratégiques et climatiques qui guident les investissements d'IFC et la mobilisation de capitaux privés pour le développement. Titulaire d’un doctorat de macroéconomie, il a beaucoup publié sur la finance et le développement économique.
Sébastien Dessus était responsable du service Économie régionale d'IFC pour l'Afrique lorsqu'il a coécrit cet article. Il dirige aujourd'hui le service Commerce mondial et intégration régionale de la Banque mondiale. Titulaire d’un doctorat d’économie de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il a de nombreuses publications à son actif sur les questions de croissance et de développement.
Stephan Dreyhaupt est l’économiste principal d’IFC pour l’Afrique et dirige actuellement l’équipe des économistes et des responsables de stratégie de la région. Il travaille depuis plus de 25 ans sur les questions de développement économique et de développement du secteur privé, au sein des diverses divisions régionales du Groupe de la Banque mondiale. Il est titulaire d’un doctorat en économie de l’European Business School, d’un MBA de l’Université technique de Berlin et d’un master de l’université Johns Hopkins (SAIS).