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Les conseils de Marco Billi pour développer une entreprise pharmaceutique sur les marchés émergents

mai 17, 2023

L’innovation est essentielle au succès à long terme dans le secteur pharmaceutique, tant pour les activités commerciales que pour le développement des produits, affirme Marco Billi, vice-président des opérations internationales et de l’innovation chez Eurofarma*, deuxième plus grande entreprise brésilienne de l’industrie biomédicale et leader sur le marché des médicaments sur ordonnance. Dans cet entretien avec IFC, Marco Billi partage les clés de la réussite d’un fabricant de génériques de marque, les façons d’envisager la recherche et le développement, et l’avenir qu’il espère pour son entreprise à la fin du siècle.

Comment Eurofarma a-t-elle vu le jour il y a 50 ans ?

Après la Seconde Guerre mondiale, mon grand-père italien qui avait étudié le génie chimique à l’université est venu au Brésil pour travailler dans une entreprise pharmaceutique. Puis il s’est lancé à son compte en tant que fabricant tiers, ce qui, à l’époque, était nouveau dans le secteur. Il s’est montré très performant en termes d’efficacité de production et a pu offrir à ses clients des produits de haute qualité, fabriqués en grandes quantités et à des prix compétitifs. Finalement, mon grand-père a commencé à diversifier son offre avec de la croissance interne et grâce à des acquisitions, et c’est comme cela qu’est née Eurofarma.

L’année 2001 a marqué un tournant décisif pour le secteur, quand le Brésil a adopté la loi autorisant les médicaments génériques. Beaucoup d’acteurs ont abandonné le marché parce qu’ils n’avaient pas l’expérience de la fabrication de médicaments de haute qualité et à bas prix. Ils n’avaient pas non plus la capacité d’investir dans le développement pour garantir une efficacité comparable entre les génériques et les médicaments innovants non brevetés. Étant donné que la qualité était notre priorité depuis le premier jour, il ne nous a pas été difficile de fabriquer des bioéquivalents aux médicaments d’origine, répondant à des réglementations strictes. C’est à cette époque que notre croissance s’est accélérée de manière significative. En 2009, nous avons commencé à nous implanter en Argentine et, aujourd’hui, Eurofarma est une entreprise mondiale avec une forte présence dans toute l’Amérique latine, ainsi que dans certaines régions des États-Unis et d’Afrique.

Marco Billi, vice-président chez Eurofarma.
Marco Billi, vice-président chez Eurofarma. Photo : Gladstone Campos / Avec la permission d’Eurofarma

Quels ont été les moteurs de votre succès ?

Tout d’abord, mon grand-père était un homme non-conformiste. Il opérait en tant que fabricant tiers alors que la plupart des entreprises pharmaceutiques produisaient leurs propres médicaments. Il privilégiait la qualité par rapport aux profits et visait la croissance à long terme, car il savait que la survie dans ce secteur dépendait d’une innovation permanente. Il ne s’est jamais satisfait du statu quo, ses valeurs sont ancrées dans l’ADN d’Eurofarma et c’est comme cela que mon père, notre PDG actuel, dirige toujours l’entreprise. Ensuite, notre société est fondamentalement centrée sur l’humain. Nous favorisons la promotion interne, nous formons et soutenons continuellement notre personnel, donc nos collaborateurs nous sont très fidèles.

Quels sont les principaux facteurs qui permettent à une entreprise de génériques de marque d’être compétitive en Amérique latine ?

Il est important d’avoir en permanence un large portefeuille de produits et de proposer régulièrement de nouveaux médicaments innovants aux médecins et aux hôpitaux. La commercialisation d’un seul médicament à succès ne suffit pas à assurer la pérennité d’une entreprise. Et il est essentiel d’être reconnu comme un fabricant de produits dont la haute qualité est constante. Enfin, aucune entreprise de génériques de marque ne peut rester compétitive sans de solides circuits de distribution.

La réactivité est une autre clé du succès. Les grandes multinationales sont parfois lentes à prendre des décisions parce qu’elles ne sont pas exposées à une forte concurrence. J’en reviens à ce que j’expliquais tout à l’heure, à savoir qu’il ne faut pas se contenter du statu quo même si les bénéfices sont stables. Pour 90 % de notre portefeuille, il y a de la concurrence. Nous avons donc l’habitude de prendre des décisions stratégiques rapidement et de rectifier le tir en cas de besoin.

Eurofarma se concentre de plus en plus sur l’innovation, la recherche et le développement. Qu’est-ce qui motive cette évolution ? Pouvez-vous expliquer votre approche ?

Comme je l’ai dit, l’innovation est indispensable pour survivre dans le secteur pharmaceutique. Nous nous sommes spécialisés et imposés dans le secteur des génériques parce que nous avons une grande expérience de la production de médicaments de haute qualité et que nous savons comment travailler vite. Le maintien d’une activité vigoureuse dans ce secteur nous donne les moyens d’investir dans une stratégie de recherche et de développement.

Nous étudions les composés chimiques qui existent déjà sur le marché et explorons de nouveaux mécanismes d’administration, comme les patchs et les sprays, ou de nouvelles concentrations. Nous développons également de nouveaux médicaments en accordant des licences pour des composés chimiques provenant de partenaires. Nous avons aujourd’hui plus de 30 médicaments brevetés sur le marché.

Par ailleurs, nous avons créé un fonds biotechnologique de 100 millions de dollars afin de rester en contact étroit avec l’innovation dans d’autres domaines de la santé. Nous prenons des participations dans des entreprises hors du Brésil qui développent de nouveaux services, du matériel, des logiciels et des produits médicaux. Nous nous intéressons aussi tout spécialement aux écosystèmes de la HealthTech et disposons d’un fonds de capital-risque pour investir dans des start-up.

Quels sont les types de produits pharmaceutiques qui devraient connaître la plus forte croissance ?

Les ventes de médicaments pour perdre du poids et pour traiter les troubles gastro-intestinaux continueront à progresser.

La combinaison de la médecine traditionnelle et de la santé numérique, qui permet d’améliorer encore les résultats pour les patients, est un axe de croissance passionnant. Par exemple, il existe des applications mobiles que les patients qui reçoivent un traitement traditionnel contre le cancer peuvent utiliser pour suivre leurs symptômes, leur sommeil et les effets secondaires des médicaments. Les premières études sur l’efficacité de ces applications ont montré que les patients qui les utilisent doivent moins souvent consulter leur médecin.

Je suis impatient de voir comment les nouvelles applications et même des innovations matérielles seront utilisées pour compléter les thérapies traditionnelles.

Quelle est votre vision de l’avenir ? Quel type d’entreprise Eurofarma deviendra-t-elle dans 10, 50 et 100 ans ?

Au cours des dix prochaines années, nous nous efforcerons de devenir la plus grande entreprise pharmaceutique d’Amérique latine. Nous prévoyons également d’étendre notre présence ailleurs dans le monde. En continuant à développer des produits innovants et à mettre en œuvre notre stratégie de transformation numérique, nous espérons être reconnus comme une entreprise mondiale de santé numérique. Et bien sûr, nous serons toujours fidèles à nos valeurs fondamentales et nous veillerons à garantir une croissance responsable et durable.

Il est difficile de fixer des objectifs fermes à l’horizon de 50 ou 100 ans. Mais nous ambitionnons de développer un médicament ou de découvrir le remède à une maladie qui changera radicalement la vie des gens. Ce faisant, Eurofarma s’imposera comme un pionnier mondial de l’industrie pharmaceutique.

*Eurofarma bénéficie des investissements d’IFC. Lire (a) la version complète de cet entretien ici

À propos de Marco Billi :

Marco Billi a commencé sa carrière dans le secteur financier au sein d’entreprises telles que BTG Pactual et Saint Paul Advisors où il a participé à des opérations de fusions-acquisitions. En 2017, il a rejoint Eurofarma et, là encore, il a travaillé dans le domaine des fusions-acquisitions. Après avoir piloté avec succès de multiples projets d’acquisition et structuré le portefeuille de sociétés communes, il est devenu directeur général d’Eurofarma Colombie. M. Billi a par la suite occupé le poste de directeur international pour le nord de l’Amérique latine (Mexique, Colombie et Amérique centrale) avant sa récente nomination en tant que vice-président des opérations internationales et de l’innovation. Il est titulaire d’un diplôme en économie et en relations internationales de la Facamp (Faculdades de Campinas, au Brésil).

Publié en mai 2023