Devon Maylie
Chaque matin, Kouassi Adjhoua Bertine, une mère de cinq enfants âgée de 41 ans, parcourt six kilomètres à pied pour se rendre dans ses champs de cacao à Lakota, en Côte d'Ivoire.
« Mon travail, c'est le cacao », déclare-t-elle en brisant des cabosses de cacao avec ses voisins sur les deux hectares de terre qui lui ont été attribués.
Les revenus générés par le cacao sont essentiels pour elle, pour sa famille et pour sa communauté. Ils lui permettent de payer les frais de scolarité de ses enfants et de subvenir aux besoins de ses parents.
« Si l'année a été bonne et qu'il a plu, je peux récolter jusqu'à trois tonnes par an », explique-t-elle.
Kouassi Adjhoua Bertine, une mère de cinq enfants âgée de 41 ans, est une petite productrice de cacao à Lakota, en Côte d'Ivoire. Photo : Éric Biantuadi / IFC.
Après avoir passé la journée dans son champ, Kouassi Adjhoua Bertine porte les fèves de cacao sur sa tête jusqu’à chez elle pour les faire fermenter et sécher avant d’aller les vendre à la coopérative. Habituellement, la coopérative lui donnait de l'argent liquide, ce qui l'exposait au risque de se faire voler sur les cinq kilomètres qui la séparent de sa maison. Désormais, elle est payée directement sur son téléphone.
Le cacao est l'une des principales exportations de la Côte d'Ivoire et près de la moitié des emplois du pays se situent dans ce secteur. Une grande partie de la production est assurée par de petits exploitants agricoles vivant dans des zones reculées. Le secteur fonctionne en grande partie avec des espèces pour les agriculteurs et leurs coopératives.
La récolte du cacao est un travail difficile, mais un nouveau programme vise à simplifier la rémunération pour les petits exploitants comme Kouassi Adjhoua Bertine. Ce programme consiste à faire circuler les fonds de manière numérique entre les agriculteurs, les coopératives et les entreprises de cacao. Pour ce faire, l'opérateur de réseau mobile MTN Côte d'Ivoire, la société d'argent mobile Wave, la fintech panafricaine spécialisée dans les solutions de paiement InTouch et la société internationale de production de cacao et de chocolat Cargill se sont associés avec l'appui d'IFC pour permettre à la chaîne de valeur du cacao de passer au numérique en Côte d'Ivoire.
Financé par le guichet pour le secteur privé du Programme mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP), ce programme vise à réduire les risques liés à la gestion des liquidités dans la chaîne de valeur du cacao grâce à la numérisation des transferts d’argent entre les coopératives et les agriculteurs par l'intermédiaire de solutions numériques comme les portefeuilles d'argent mobile.
Ce projet intègre plus de 110 coopératives Cargill et touche près de 30 000 agriculteurs grâce à des partenariats avec MTN, Wave et InTouch. IFC fournit également une assistance technique pour la mise en place d’une plateforme de paiement numérique entre Cargill et les banques, qui permettra aux coopératives d'automatiser entièrement les paiements.
Donner davantage d'autonomie aux petits exploitants
En Afrique, les petits exploitants gèrent jusqu'à 80 % des terres agricoles et ils sont pourtant largement exclus des services financiers. On estime que 1 % des prêts bancaires en Afrique sont alloués au secteur agricole. Les agriculteurs n'ont pas accès aux services d'épargne, d'assurance et de paiement. L'accès à la banque numérique est une première étape essentielle pour combler le déficit de services financiers qui touche le secteur agricole.
La pandémie de COVID-19 a montré à quel point il est essentiel de veiller à ce que les chaînes de valeur soient connectées numériquement.
« Vous pouvez envoyer de l'argent, vous pouvez épargner et percevoir des intérêts, vous pouvez emprunter de l'argent, vous pouvez payer des factures et des frais de scolarité, et vous pouvez également payer en ligne. Vous pouvez envoyer de l'argent dans toute la région, au Burkina, au Mali, au Niger et au Sénégal, et c'est très facile », affirme Étienne Ardon, ancien directeur de Mobile Money pour la Côte d'Ivoire chez MTN, qui travaille actuellement au développement de la fintech pour cet opérateur.
En outre, la collaboration avec Wave et InTouch permet aux agriculteurs de choisir le fournisseur de services qu'ils souhaitent utiliser, ce qui offre aux agriculteurs et aux coopératives une plus grande flexibilité tout en améliorant l'accès à la numérisation des paiements. Non seulement les paiements numériques facilitent la tâche des agriculteurs et des coopératives, mais ils offrent également une plus grande transparence. Les transformateurs et les exportateurs de cacao comme Cargill jouent un rôle essentiel dans le passage au numérique de la chaîne de valeur.
« Les consommateurs de chocolat veulent avoir des garanties sur l'origine du cacao, son impact sur l'environnement, les conditions de vie des cultivateurs, la lutte contre le travail des enfants. C’est pourquoi, chez Cargill, nous avons développé des outils technologiques pour mettre en place cette numérisation et cette traçabilité », précise Lionel Soulard, directeur général de Cargill Cocoa & Chocolate en Afrique de l'Ouest.
Une récolte de cabosses de cacao à Lakota, en Côte d'Ivoire. Photo : Éric Biantuadi / IFC.
Passage au numérique pour les chaînes d'approvisionnement et formations aux compétences managériales pour les coopératives
Pour la coopérative de cacao Entreprise coopérative agricole Koognanan de Grogouya (ECAKOOG), le nouveau produit numérique profite non seulement à ses agriculteurs, mais aussi à ses propres opérations. ECAKOOG avait déjà subi deux cambriolages en raison de la quantité d'espèces utilisées dans ses opérations, en particulier pendant les mois de récolte les plus chargés.
« Désormais, nous n'avons plus besoin d'avoir de l'argent liquide sur nous pour payer les producteurs », explique Yapi Bénédicte Fidelle, cultivatrice de cacao et secrétaire générale d'ECAKOOG.
L'accès à la banque en ligne et à l'argent mobile réduit également les déplacements de Kouassi Adjhoua Bertine.
« Cela signifie que vous pouvez accéder facilement à l'argent qu'on vous verse. Alors que s'il est à la banque, vous devez vous y rendre pour le retirer, et vous ne le faites pas tous les jours... C'est donc mieux maintenant. C'est une bonne chose », affirme-t-elle.
Publié en juin 2023