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À la recherche de petits pots pour bébés « Made in Sénégal »

mars 15, 2022

Par Abdoul Maiga

L’été dernier, mon épouse Sarah et moi nous apprêtions à déménager au Sénégal, où je devais prendre mes nouvelles fonctions de chargé de communication pour IFC. Il nous fallait penser à tout. La plupart de nos appréhensions concernaient Talia, notre fille alors âgée de sept mois. Y compris cette question basique : qu’allions-nous lui donner à manger à Dakar ?

En France, nous lui confectionnions des petits pots faits maison, nutritifs et dépourvus d’additifs car à base de produits bio. Mais sachant que nous aurions trop à faire à notre arrivée au Sénégal pour préparer ses repas, nous nous demandions ce que nous allions trouver dans le commerce.

Sarah s’est tournée vers ses réseaux sociaux pour en savoir plus sur l’alimentation et les produits infantiles disponibles au Sénégal. Très rapidement, elle fit la découverte d’une marque sénégalaise de produits bio pour bébés, Le Lionceau, saluée par les parents pour sa qualité nutritive.

Peu après notre arrivée à Dakar en août, nous avons trouvé, dans les rayons d’un supermarché, Le Lionceau et ses nombreuses variétés de petits pots : mil, fonio (céréale), patate douce, moringa (plante), ditakh (fruit sauvage), bouye (fruit du baobab), solom (variété de tamarin), papaye, mangue et niébé (sorte de haricot).

Petits pots pour bébés Le Lionceau en tête de gondole dans un supermarché de Dakar, au Sénégal.
Petits pots pour bébés Le Lionceau en tête de gondole dans un supermarché de Dakar, au Sénégal. Crédit photo : Le Lionceau

Mais ces saveurs exotiques allaient-elles plaire à Talia, elle qui était habituée aux poireaux, aux épinards et aux brocolis ? Dès la première cuillérée, le verdict est tombé : elle a tout de suite adhéré aux saveurs de l’Afrique de l’Ouest !

Nous étions rassurés, et contents d’avoir découvert une marque ouest-africaine proposant des petits pots de qualité, à base de produits locaux et surtout adaptée à une consommation locale.

Plus nous achetions de pots, plus Le Lionceau attisait ma curiosité. Pourquoi et comment cette entreprise avait-elle été créée ? Quel était le secret de sa réussite ? Et celle-ci pouvait-elle encourager d’autres petites entreprises sénégalaises à tirer parti des trésors du terroir sénégalais ?

Du local avant tout

Cette dernière question me tenait particulièrement à cœur. En effet, trop souvent, les matières premières d’Afrique de l’Ouest sont exportées hors de la région, qu’elles soient d’origine minière ou agricole, pour être transformées ailleurs. Moins de 30 % des produits agricoles du Sénégal sont transformés sur place. En 2019, le Sénégal a importé pour près de 770 millions de dollars de produits alimentaires de grande consommation, principalement en provenance d’Europe et d’Asie. Les importations constituent environ 70 % des besoins alimentaires du Sénégal.

J’ai donc pris contact avec Siny Samba, Sénégalaise de 30 ans, cofondatrice et PDG du Lionceau, pour en savoir plus sur la manière dont elle contribue à changer la donne. Passionnée depuis toujours par l’agroalimentaire, elle a travaillé en France en tant qu’ingénieure au service de recherche-développement de Blédina, filiale spécialisée dans l’alimentation infantile de la multinationale française Danone.

Siny Samba, cofondatrice et PDG du Lionceau, à Dakar (Sénégal).
Siny Samba, cofondatrice et PDG du Lionceau, à Dakar (Sénégal). Crédit photo : Le Lionceau

Un jour, elle a eu une idée qui allait tout changer.

« Quand je rentrais au Sénégal pour les vacances, je constatais que 100 % des produits alimentaires pour bébés vendus dans le commerce étaient importés, malgré nos riches ressources sur le plan alimentaire. Je me suis dit que nous laissions passer une opportunité. »

Elle était fermement convaincu que l’on pouvait transformer les céréales et fruits issus de l’agriculture locale sur place, tant pour le bien des bébés que celui des agriculteurs locaux. Quelques mois plus tard, Le Lionceau naquit.

En 2018, Siny Samba lance l’entreprise avec Rémi Filastò, son camarade de classe rencontré à l’école d’agronomie. Pour son développement, Le Lionceau a bénéficié de financements et du soutien du Women Investment Club (WIC), du Hub Impact Dakar et, plus récemment, d’Investisseurs et Partenaires. Aujourd’hui, la société emploie 20 personnes et vend 15 variétés de purées, compotes, biscuits et céréales bio pour bébés. Tous ces produits, de haute qualité nutritive, contribuent à renforcer les chaînes de valeur agricoles locales.

Des employés du Lionceau étiquettent des petits pots pour bébés à Dakar (Sénégal).
Des employés du Lionceau étiquettent des petits pots pour bébés à Dakar (Sénégal). Crédit photo : Le Lionceau

Le Lionceau, qui a quadruplé ses ventes en trois ans, envisage de s’implanter en Côte d’Ivoire, au Ghana, en Guinée et au Mali (mon pays d’origine). La marque espère aussi nourrir les bébés de la diaspora africaine via un partenariat pilote avec les plateformes de vente en ligne Amazon et C-Discount.

Partenariat avec les exploitants agricoles

Le Lionceau fait partie d’un cercle restreint d’entreprises de transformation alimentaire au Sénégal. Selon une étude de 2015 (la plus récente disponible), sur environ 15 000 entreprises que compte le secteur, près de 97 % n’ont qu’une activité modeste et principalement informelle. Seule une vingtaine réalise une production à grande échelle et selon des processus modernes.

L’expansion du Lionceau va passer par le lancement, cette année, d’une unité de transformation très performante, destinée à accroitre sa production de manière industrielle.

Je me réjouis d’avoir exploré ce sujet à partir d’une simple préoccupation personnelle, et j’espère que Le Lionceau incitera d’autres entrepreneurs sénégalais à réaliser leurs rêves. Quant à Siny Samba, elle attribue son succès à une alliance de solides connaissances techniques, de travail acharné, et de passion.

Pour elle, il est primordial de renforcer les capacités des agriculteurs locaux et œuvrer en étroite collaboration avec eux dans la poursuite d’un même objectif. Cela consiste notamment à leur enseigner des méthodes d’agriculture durables, permettant de produire bio, et de nouer des partenariats avec des coopératives de femmes, qui assureront la pré-transformation des matières premières.

« Plus on contribue à développer les capacités [des agriculteurs], plus les rendements augmentent et plus on crée des marchés. Tout le monde y gagne », affirme Siny Samba.

Abdoul Maiga.
Abdoul Maiga à Dakar (Sénégal). Photo : Sarah Maiga

Notre fille Talia a maintenant 14 mois. Elle mange davantage d’aliments solides, mais nous continuons à acheter des produits Le Lionceau, qu’elle adore toujours.

Et nous, nous les adorons aussi ! Ces petits pots ont marqué le début de notre nouvelle vie en Afrique de l’Ouest.

Abdoul Maiga est chargé de communication de l’IFC pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre à Dakar, au Sénégal.

Initialement publié en mars 2022