Monica De Leon
Président de la banque colombienne Davivienda, Efraín Forero Fonseca est une personnalité bien connue dans le secteur financier en Amérique latine et aux Caraïbes. Il a fait toute sa carrière au sein du Grupo Bolívar, la structure fédérative à laquelle Davivienda est rattachée, dont le modèle d’affaires performant privilégie le développement des pays dans lesquels elle opère.
En mai dernier, la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, a lancé un appel à l’action en direction du secteur privé afin de stimuler les investissements dans le « triangle du Nord » — El Salvador, Guatemala et Honduras — en Amérique centrale dans le but de promouvoir le développement économique, mobiliser des ressources privées et publiques et tisser des partenariats avec des banques multilatérales de développement. Parmi les douze entreprises associées à cet appel, figurait un client d’IFC : la banque Davivienda.
Dans cet entretien, édité par souci de concision et de clarté, M. Fonseca revient sur l’importance des partenariats pour stimuler les investissements du secteur privé en Amérique centrale.
Q : Votre réputation en tant qu’initiateur de partenariats n’est plus à faire. Vous souvenez-vous de votre première opération ?
R : Depuis le début de ma carrière au sein du Grupo Bolívar, il y a de cela un peu plus de 40 ans, j’ai toujours misé sur le travail d’équipe et les alliances. Je me souviens de ma première expérience au sein d’une compagnie d’assurance membre du groupe. J’avais à cœur de trouver des synergies entre le travail effectué par les différentes institutions du groupe afin d’apporter à nos clients des solutions à plus forte valeur ajoutée. Cette stratégie a progressivement acquis toute sa pertinence au sein de notre organisation, jusqu’à devenir un atout maître vis-à-vis de nos concurrents.
Q : Quels types de partenariats vous ont permis d’améliorer l’inclusion financière, et comment vous ont-ils aidé à maximiser votre impact ?
R : Seules des alliances stratégiques ont permis à Davivienda d’accomplir sa mission première, à savoir toucher les groupes les plus vulnérables. Nous avons compris depuis de nombreuses années que, d’un point de vue stratégique, nous devions développer des compétences pour pouvoir nous associer à des tiers dans le but d’avoir un impact beaucoup plus important, d’atteindre nos objectifs et de mieux servir nos clients.
Ces dix dernières années, nous avons collaboré avec des entreprises spécialistes des technologies et de l’innovation en Californie, à Singapour, en Chine, à Londres, en Espagne et en Inde. Grâce à notre partenariat avec Pay Key, une entreprise israélienne, nous sommes devenus la première banque de Colombie à proposer des transferts par le biais des téléphones mobiles.
Nous sommes également parvenus à nouer de très fructueuses alliances avec le gouvernement [colombien]. Dans notre pays, le versement d'allocations pour les familles à faible revenu n’aurait pas été possible sans le secteur privé. La coordination avec des établissements bancaires, comme Davivienda, a joué un rôle clé pour que l’aide parvienne effectivement aux bénéficiaires.
Avec la municipalité de Medellín, nous avons créé une application financière pour permettre aux usagers du métro de la ville de réaliser toutes sortes de transferts et d’opérations. Bientôt, la ville pourra offrir d’autres services à la population en lien avec la santé, la culture, les loisirs et, d’une certaine manière, la sécurité.
Efraín Forero en discussion avec un entrepreneur pendant le hackathon de 2015 organisé par le groupe Davivienda en Israël. Avec l’aimable autorisation de Davivienda
Q : Quel est le secret d’un partenariat réussi ?
R : Au moment de créer un partenariat, il faut garder à l’esprit un point fondamental : chaque partie a ses propres motivations et chaque partie doit profiter de l’accord conclu. C’est la seule manière d’engager une collaboration véritablement durable.
Autre point essentiel : toutes les parties doivent se retrouver dans une vision et un objectif communs.
Ensuite, il faut travailler sur les fondamentaux : le contrôle de l’alliance, les résultats et les aspects qui devront faire l’objet d’un examen régulier. Enfin, il faut convenir dès le départ des mesures à prendre en cas d’échec.
Q : En quoi les partenariats au sein du triangle du Nord peuvent-ils susciter une hausse des investissements privés ?
R : Nous avons organisé six groupes de travail, en fonction de défis spécifiques, notamment l’éducation, la santé, l’accès à internet et les services bancaires.
Lors de tables rondes, nous définissons et coordonnons des actions spécifiques pour les entreprises privées et recherchons le soutien d’entités publiques susceptibles de faciliter ce travail. Nous veillons également à étendre le réseau des participants à cet appel à l’action afin de démultiplier l’impact positif des initiatives.
Davivienda apporte son expérience et des solutions pour promouvoir l’inclusion financière, y compris pour le financement des logements et des PME. Nous l’avons fait en El Salvador avec [l’application mobile] DaviPlata, dont l’évolution est très positive. Aujourd’hui, nous travaillons avec des partenaires locaux dans les trois pays en vue d’améliorer l’inclusion financière.
Les habitants d’Amérique centrale préfèrent toujours largement payer en liquide. Beaucoup n’ont pas accès à un établissement financier capable de leur offrir des solutions d’épargne et de crédit, voire un support pour acquérir des bases financières.
Q : À quel signe les entreprises privées comprendront-elles qu’il est temps d’investir en Amérique centrale ?
R : L’engagement du gouvernement américain en faveur du développement de la région est certainement un facteur qui pèsera positivement dans la décision.
L’Amérique centrale offre de nombreux atouts, en termes de coûts de production et d’accès aux marchés internationaux, surtout nord-américains, et cela peut vraiment peser dans la balance. L’année 2021 sera, espérons-le, celle du redémarrage économique.
Q : En dehors du secteur financier, quels sont les partenariats susceptibles de fonctionner en Amérique centrale ?
R : Il est vital de se rapprocher des gouvernements pour ajuster les réglementations afin de faire progresser concrètement la numérisation de l’économie et de capitaliser sur les initiatives que les banques peuvent engager.
Le grand défi pour l’Amérique centrale est de parvenir à coordonner toutes les actions des entreprises privées en vue d’obtenir un plus grand impact. Pour qu’un partenariat fonctionne et que les engagements se concrétisent, les acteurs internationaux doivent s’allier à des entreprises, des administrations et des organismes non gouvernementaux locaux.
Face aux objectifs très ambitieux que nous avons fixés, il est crucial de travailler avec les autorités locales et d’inviter les acteurs privés locaux à s’associer à ces efforts.
Q : Quel est le ressort de votre motivation ?
R : Ce qui nous pousse, c’est la volonté de donner à nos populations la possibilité de se forger un avenir meilleur. Nous pouvons briser les cadres et franchir les frontières, mais nous savons aussi que nous pouvons obtenir bien davantage encore… En plus d’opérer notre transition vers la banque numérique, nous voulons soutenir les multiples initiatives susceptibles de nous aider à rendre ces pays encore plus durables. D’un point de vue social, nous devons redoubler d’efforts pour que les femmes aient enfin les mêmes chances que les hommes. C’est une cause fondamentale pour notre groupe.
Publié en août 2021