Emmanuel Nyirinkindi
Alors que débutent les discussions à la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), le phénomène s'accélère, de même que l'exigence d'action de la part des citoyens. La fenêtre de tir pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre est étroite, décisive, et il est évident que le secteur privé aura un rôle croissant à jouer pour contribuer à ralentir et à inverser la tendance. Mais quels types d'entreprises vont connaître une croissance rapide ? Quels secteurs sont prêts pour la transformation verte ? Nous avons interrogé cinq experts d'IFC sur les nouvelles perspectives de l'économie climatique. Voici quelques-unes de leurs réponses. Elles incitent à la réflexion, et elles donnent de l'espoir.
Nuru Lama, responsable principal des investissements et directeur par intérim, Énergie, à propos de l'énergie :
« Il y a des occasions à saisir pour le secteur des énergies renouvelables dans toutes les régions, et plus particulièrement sur les marchés énergétiques plus importants et bien établis. Cela englobe l'énergie solaire ou éolienne classique, mais aussi le financement des véhicules hybrides avec batteries de stockage et la participation au développement de l'hydrogène vert. Nous venons de réaliser notre premier investissement dans une obligation indexée sur la durabilité avec Sembcorp Industries (a), à Singapour, c'est un exemple de nouveau domaine de croissance potentiellement important. Ce qu'il faut absolument faire maintenant, c'est accélérer le mouvement, reproduire les modèles et attirer davantage d'investisseurs. Parallèlement, nous devons augmenter l'offre de projets à financer. Pour cela, il faudra lever certains obstacles, par exemple en réformant le secteur et en créant des réseaux de transmission et de distribution robustes. Mais avant tout, cela implique de retrousser nos manches pour faciliter la mise en œuvre des projets. »
Crédit Photo : Nuru Lama
Tania Kaddeche, responsable Industrie manufacturière, agro-industrie et services en Amérique latine, sur les perspectives pour l'agro-industrie :
« Nous devons investir pour aider nos clients à décarboner autant que faire se peut. Nous devons étendre ce que nous faisons dans le secteur laitier à un plus grand nombre d'industries. C'est une chose d'annoncer que les entreprises vont réduire leurs émissions à une certaine date, mais comment vont-elles s'y prendre ? Nous devons travailler avec les entreprises pour définir les moyens à mettre en œuvre, car il existe un certain nombre de solutions possibles. Pour le soja par exemple, il faut garantir la traçabilité afin de s'assurer que les terres cultivées ne proviennent pas de zones de déforestation. Autre exemple : nous avons financé un projet qui utilise la pulpe de bois pour fabriquer des fibres textiles. En Amérique latine, il reste beaucoup à faire pour investir dans la productivité, remettre en exploitation les terres dégradées, délimiter clairement des zones qui doivent rester vierges pour préserver la biodiversité et les habitats naturels. La technologie peut être d'un grand secours, de même que l'innovation et la réglementation. »
Crédit Photo : Tania Kaddeche
Peter Cashion, responsable en chef des investissements et responsable mondial Financement climatique, à propos de la finance verte :
« La prochaine conquête doit consister à créer davantage de projets finançables et à attirer de nouveaux acteurs du marché des capitaux dans ce domaine. Pour assurer une transition efficace vers une économie verte, nous ne pouvons pas nous contenter de compter sur les banques et les institutions de financement du développement (IFD), car elles ne suffiront pas à répondre aux besoins. Nous devrons faire appel à la sphère des investisseurs institutionnels, dont le volume des disponibilités est 900 fois supérieur à celui des IFD. Le rôle de ces dernières n'est pas seulement d'améliorer nos propres bilans ; nous pouvons réellement accentuer notre impact en établissant les bases des marchés de capitaux dans les pays où nous travaillons. Je compare ce qu'il faut faire pour lutter contre le changement climatique à un effort d'une ampleur semblable à celui de la Seconde Guerre mondiale. Toutes les ressources du monde doivent être consacrées à ce combat ».
Crédit Photo : Peter Cashion
Sabine Schlorke, directrice Industrie manufacturière, à propos du secteur de la fabrication :
« Je pense que le monde va vraiment comprendre que les solutions d'économie circulaire et de réutilisation des produits ne seront plus simplement une option à l'avenir. C'est indispensable. Si les entreprises ne changent pas, elles ont tout à perdre, car beaucoup de clients n'achèteront plus leurs produits. Nombre de grandes entreprises ou de marques internationales ont fait de grandes promesses en matière de durabilité et les pressions du public pour qu'elles les respectent vont s'intensifier. Il y aura d'autres évolutions dans le secteur manufacturier. Si je suis constructeur automobile par exemple, je ne pourrai plus me contenter de juste fabriquer un produit : je vais aussi devoir le reprendre, j'en serai responsable jusqu'au bout. Et ce ne sera plus considéré comme un problème de coût, mais plutôt comme un argument commercial. Une autre grande tendance sera l'augmentation des capacités de production des marchés régionaux ou nationaux. Ils se substitueront aux importations et les entreprises nationales pourront se développer. Ce type d'investissements régionaux permettra également de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre, car les produits ne seront plus expédiés à travers le monde. De nombreux produits seront fabriqués localement ».
Crédit Photo : Sabine Schlorke
Lisa Da Silva, responsable principale des investissements et responsable Villes, à propos du développement urbain :
« Le covoiturage sera l'une des grandes évolutions. Il s'agit de répondre à un besoin et de combler des lacunes pour les citoyens, et de réduire la circulation automobile. La mobilité électrique est une autre grande tendance. Toutes les villes réfléchissent à la manière de promouvoir les véhicules électriques : deux roues, trois roues, bus et voitures électriques. Mais comment faire avec un véhicule électrique s'il n'y a pas assez de bornes de recharge ? Le dernier grand secteur de croissance est celui des bâtiments écologiques, et c'est une opportunité d'investissement colossale. Les villes peuvent mettre en place des mesures incitatives qui susciteront davantage d'investissements dans ce domaine. Les bâtiments verts n'ont pas seulement un impact sur le changement climatique, ils en ont aussi sur la vie des gens. En Afrique du Sud, nous avons montré que les habitants de maisons écologiques économisaient en moyenne un mois de dépenses énergétiques par an. C'est considérable, et ces maisons n'ont pas coûté plus cher ».
Crédit Photo : Lisa Da Silva
Publié en novembre 2021