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Inquiétudes en Australie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée

mai 18, 2021

Par Karlis Salna

SYDNEY – Pendant longtemps, cette partie du monde a maintenu le virus de la COVID-19 à distance. Cependant, récemment, une hausse des contaminations dans les États insulaires de Fidji et de Papouasie-Nouvelle-Guinée a semé de vives inquiétudes dans toute la région.

Certes, les chiffres en Papouasie-Nouvelle-Guinée — 130 décès et environ 13 000 infections à ce jour — ne sont rien en comparaison de la situation catastrophique en Inde. C'est néanmoins un nouveau rappel que la pandémie demeure une urgence mondiale et que la menace de la COVID ne disparaîtra pas tant que le monde entier ne sera pas vacciné.

Cette résurgence vient souligner aussi que, dans un contexte de pandémie, tout peut changer brutalement. Je suis bien placé pour le savoir. Il y a plus d'un an, ma mère m'a appelé pour me dire qu'on lui avait diagnostiqué un cancer et qu'il ne lui restait que quelques mois à vivre. En décembre 2020, alors que je lui rendais visite à Newcastle, à deux heures de route au nord, la ville de Sydney a été confinée à la suite d'une flambée soudaine de COVID-19. J'ai prolongé mon séjour et je n'ai pas pu fêter Noël avec ma femme et mon fils. Mais j'ai eu la chance de passer plus de temps auprès de ma mère. Elle est décédée en janvier, le jour du deuxième anniversaire de mon fils.

Malgré tout, je me sens privilégié, et même coupable, parce que la pandémie nous a plutôt épargnés. C'est en raison de la COVID-19 que je suis revenu en Australie en provenance d'Indonésie, alors que nombre de personnes ont été séparées de leurs proches et ont beaucoup perdu. Je peux aller à la plage, au restaurant ou me promener dans les parcs. Mais ailleurs, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et plus encore en Inde, la situation est dramatique.

Un coup de semonce

Travers Chue dirige une chaîne de cafés avec son frère à Port Moresby. Pour lui, la récente flambée de cas a frappé comme « un coup de semonce ».

« La deuxième vague a été beaucoup plus contagieuse. Le virus s'est propagé beaucoup plus rapidement », m’a-t-il expliqué.

À Port Moresby, la capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les entreprises ont été durement frappées par la pandémie.
À Port Moresby, la capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les entreprises ont été durement frappées par la pandémie. Photo : Roberto Garcia/Shutterstock

La pandémie a déjà fait payer un lourd tribut financier à la région, les économies des îles du Pacifique étant les plus fortement touchées parmi les pays d'Asie de l'Est et du Pacifique. Ensemble, ces économies se sont contractées de 11,3 % l'an dernier. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, la reprise sera sans doute très inégale et les États insulaires du Pacifique ne devraient enregistrer qu'une croissance d'à peine 1 % en 2021.

Lorsque le virus a frappé la Papouasie-Nouvelle-Guinée l'année dernière et que l'économie a commencé à s'effondrer, les frères Chue ont vu leurs revenus baisser d'environ 50 %. Ils ont pourtant résisté à la tentation de fermer leurs établissements qui emploient une centaine de personnes.

« L'année dernière a été très, très stressante, dans le sens où la responsabilité est énorme [et] qu'il ne s'agit pas seulement de soi-même », confie Travers Chue. « Je suis responsable d'une famille élargie d'une centaine de personnes dont je dois m'occuper et il faut que je fasse en sorte que l'entreprise survive pour qu'elles aussi puissent survivre. C'était vraiment dur à porter. »

Pour les frères Chue et de nombreux autres chefs d'entreprise, la pandémie pourrait avoir des conséquences prolongées.

« Nous avons perdu beaucoup d'argent au cours de la première moitié de l'année dernière, puis nous avons pu rentrer dans nos frais pendant la seconde moitié parce que l'horizon semblait s'éclaircir, les gens avaient un peu oublié la COVID », poursuit le cafetier. « La situation s'est à nouveau détériorée en février et les choses vont très mal depuis, car les chiffres de la pandémie ont brutalement augmenté en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ce choc a été pire que celui que nous avons vécu l'année dernière. »

Le cas de Sydney

La Papouasie-Nouvelle-Guinée se trouve à moins de 160 kilomètres au nord de l'Australie, mais la situation ici est très différente.

Au début du mois, l'annonce de deux cas de transmission locale à Sydney, la plus grande ville d'Australie, a fait monter la tension. Des restrictions sur les rassemblements ont de nouveau été mises en place, les masques sont devenus obligatoires dans les transports publics, il a été interdit de chanter et de danser dans les lieux clos et de consommer de l'alcool debout dans les bars. Cependant, le pays reste largement épargné par le virus.

L'économie australienne est « bouillonnante », selon certains, au sortir des profondeurs de la récession due à la pandémie. Les prix de l'immobilier ont grimpé et le taux de chômage diminue plus rapidement que prévu.

Néanmoins, cette reprise cache de profondes disparités.

Ravi Prasad tient un petit café à l'extrémité sud d'une rue très fréquentée qui traverse Newtown, une banlieue du centre-ouest de Sydney. Il dirige également Uma, une entreprise sociale qui allie des services de traiteur et un restaurant à Darling Square, un complexe commercial du quartier central des affaires. Il emploie exclusivement des demandeurs d'asile et des réfugiés qui préparent des spécialités culinaires de leurs pays.

Ravi Prasad dans les locaux de Uma, où les chefs cuisiniers sont des demandeurs d'asile et des réfugiés.
Ravi Prasad dans les locaux de Uma, où les chefs cuisiniers sont des demandeurs d'asile et des réfugiés. Photo : Karlis Salna

« Le secteur de la restauration a été bouleversé », me dit-il en citant plusieurs autres établissements voisins qui ont fait faillite ces derniers mois. « Au mieux, les activités de restauration ne représentent plus que 40 % de ce qu'elles étaient avant la pandémie. Le secteur survivra, mais il est difficile de savoir dans quelle proportion. »

Le stress de beaucoup des employés de Ravi Prasad est d'autant plus grand qu'ils viennent de pays où la COVID-19 sévit fortement. « Ils s'efforcent de profiter de chaque journée ici, mais pour la plupart, ils savent aussi que leur maison est bâtie sur du sable mouvant. Ils ne peuvent pas mettre en place des fondations solides », ajoute l’entrepreneur. « La fragilité de leur situation a été exacerbée par la pandémie. »

C'est le cas de Shaziah Crowie, originaire d'Afrique du Sud : « J'ai perdu beaucoup de membres de ma famille parce que les hôpitaux de mon pays ne peuvent pas faire face [à la pandémie]. J'ai de la chance d'être ici, en Australie. Nous avons pu sortir du confinement beaucoup plus tôt que la plupart des autres pays, mais j'ai le cœur brisé, surtout pour les gens en Inde en ce moment… et je ne sais pas quand je pourrai revoir [les miens] ».


Après avoir perdu son emploi dans le commerce à cause de la pandémie, Shaziah Crowie a retrouvé du travail chez Uma.
Après avoir perdu son emploi dans le commerce à cause de la pandémie, Shaziah Crowie a retrouvé du travail chez Uma. Photo : Karlis Salna

Plus d'un an après le début de la pandémie, alors que la vaccination s'intensifie et que de nombreuses économies s'ouvrent à nouveau, les conséquences hétérogènes et impitoyables de cette maladie mortelle n'ont jamais été aussi évidentes.

« Il faudra un certain temps avant que le monde revienne à une sorte de normalité. Peut-être que nous ne vivrons jamais de la même manière qu'avant. Mais les affaires doivent reprendre et il faut rouvrir les frontières. Et la seule façon d’y parvenir passe par la vaccination, car la COVID ne va pas disparaître », conclut Travers Chue.

Karlis Salna est chargé de communication d'IFC pour l'Indonésie, la Malaisie, le Timor-Leste et les îles du Pacifique.

Publié en mai 2021