Story

Le rebelle

décembre 1, 2020

Gloria Mwaniga Odary

En 2018, lorsque Belal El-Megharbel décide d’abandonner une carrière florissante chez Careem, un pionnier du VTC au Moyen-Orient, sa famille accuse le coup. Le jeune homme a déjà tourné le dos à un avenir prometteur en quittant l’entreprise familiale, quelques années auparavant, en quête d’une « autre voie ». Ses proches nourrissaient encore l’espoir qu’il réintégrerait l’affaire familiale pour rejoindre ses 24 cousins… mais Belal a d’autres projets en tête. Son idée ? Créer une plateforme numérique pour gérer l’achat et la livraison de produits d’épicerie dans des commerces familiaux en Égypte.

Ayant participé au lancement de Careem, Belal a vu de près « comment bâtir un géant technologique au Moyen-Orient. » Ce savoir — et la désorganisation patente des chaînes d’approvisionnement en Égypte — le poussent à l’action. Il constate combien les défaillances du marché de produits alimentaires engendrent des retards et des coûts supplémentaires. « Les petits commerçants du Caire devaient passer par six à sept étapes [avant que le produit ne parvienne au consommateur] : expédition, déballage, vérification de la qualité du produit et fixation du prix de référence », se souvient-il.

Il réalise alors tout le potentiel d’une plateforme de commerce en ligne pour réduire les coûts et simplifier la pratique des affaires. En 2018, il s’associe avec Mohamed Ben Halim pour créer MaxAB, une place de marché électronique qui met en relation les vendeurs informels de denrées alimentaires et petits commerces de proximité — sachant que les micro-détaillants représentent jusqu’à 90 % du marché de l’épicerie — et les fournisseurs.


Belal El-Megharbel. Photo par: Heba Khamis/NOOR/IFC

L’activité démarre modestement : « Nous avons commencé de manière classique, à partir d’un petit entrepôt situé dans l’une des banlieues de la capitale tentaculaire de l’Égypte. L’endroit était tellement perdu que la plupart des gens ne savaient pas comment s’y rendre. Au début, nous avons écoulé quelques stocks d’épicerie dans des quartiers tellement éloignés de tout que les gens n’ont accès à rien », se souvient Belal El-Megharbel, qui dirige l’entreprise désormais.

Très vite, le succès est au rendez-vous. Aujourd’hui, la plateforme MaxAB revendique 22 000 détaillants qui vendent de tout, des produits laitiers aux détergents. La transparence des prix est un atout immense pour ces commerçants, qui peuvent aussi désormais commander en ligne et accéder à des crédits. Les fournisseurs et les marques y gagnent, eux aussi. Grâce aux données collectées par la plateforme, ils peuvent prédire la demande et prendre des décisions d’achat en connaissance de cause, ce qui leur évite de surstocker des produits peu demandés et leur fait épargner de l’argent.

Dix mois à peine après son lancement, MaxAB a déjà levé 6,2 millions de dollars auprès d’investisseurs du monde entier, devenant ainsi l’une des premières start-ups du Moyen-Orient par le volume de capitaux d’amorçage mobilisés.

À mesure que l’entreprise développe son vivier de clientèle et ses capacités techniques, elle étoffe aussi sa flotte de livreurs. Tous les jours, 250 camions chargent des denrées alimentaires et des produits d’épicerie avant de sillonner les rues bruyantes, chaudes et animées du Caire pour aller approvisionner les petites boutiques du pays dont beaucoup se situent dans des zones mal desservies.

La gestion de MaxAB n’a pas toujours été un long fleuve tranquille pour son fondateur, qui savait qu’il ne pouvait pas faire les choses à moitié : « Dans le métier de la distribution, il n’y a pas de place pour les acteurs de taille moyenne. Soit ça marche vite et bien, soit vous êtes condamnés à disparaître. C’est tout ou rien. »

Mais pour réussir, MaxAB a besoin de talents et c’est un problème qui n’est toujours pas entièrement résolu : « Pour moi, la mission de tout entrepreneur est de développer de manière exponentielle son vivier de talents de manière à avoir les bonnes compétences et la bonne attitude », souligne-t-il. « L’humain est ce qu’il y a de plus important, quel que soit votre domaine d’activité. Notre prochain objectif est de conforter notre socle de croissance pour être certains que nous disposons des compétences adaptées face aux problèmes que nous rencontrons. »