Story

Entrepreneure malgré elle

décembre 1, 2020

Gloria Mwaniga Odary

Spécialiste en génétique humaine, Aisha Pandor n’aurait jamais imaginé diriger un jour une entreprise. Le hasard en a pourtant décidé autrement quand, en 2014, elle et son mari, Alen Ribic, ingénieur logiciel de son état, se sont mis en quête d’une personne pouvant garder leur plus jeune fille chez eux, dans la maison familiale de Johannesburg…

« Nous avons eu beaucoup de mal à trouver quelqu’un », se souvient-elle. « Ça a pris énormément de temps et c’était décourageant. »

Ce sont ces difficultés qui vont conduire le couple à réfléchir à une solution de mise en relation des clients et des aides à domicile. Pour donner vie à ce projet, les deux époux démissionnent, vendent leur maison et leur voiture, et partent vivre chez les parents d’Aisha. Cet arrangement, censé être temporaire, va durer quatre ans, le temps de créer et de lancer SweepSouth, une plateforme de réservation en ligne qui permet aux clients d’entrer rapidement en contact et en toute sécurité avec des intervenants à domicile pour des tâches de ménage, la garde d’enfants ou du jardinage notamment.

Aisha s’aperçoit bientôt que le monde de l’entreprise n’a rien à voir avec les milieux universitaires. Les premiers jours sont frénétiques et très incertains : « C’était vraiment une ambiance de folie. On aurait cru que la maison était en feu », se rappelle-t-elle.


Aisha Pandor. Photo par: Aisha Pandor

Côté vie privée, les choses ne sont guère plus faciles. Déjà, ni sa famille ni ses amis ne comprennent pourquoi Aisha renonce à son doctorat en génétique humaine et aux confortables honoraires de son emploi de consultante en gestion. Elle reconnaît volontiers avoir commis des erreurs au début : « Si c’était à refaire, je m’y prendrais probablement différemment. Je pense que nous nous sommes inutilement infligés des tracas personnels au début, parce que nous étions convaincus qu’en tant que chef d’entreprise, nous devions prouver à nos investisseurs que nous étions totalement impliqués dans le projet au point d’être prêts à sacrifier pendant longtemps notre confort et notre bien-être. »

Mais cette époque-là est révolue. Six ans plus tard, SweepSouth a pris son envol et su attirer de nombreux investisseurs. À ce jour, la start-up a mobilisé 6 millions de dollars auprès de Newtown Partners, l’entreprise de capital-risque de Vinny Lingham, et d’autres acteurs comme Naspers Foundry, Futuregrowth, Smollan Group, 500 Startups, Michael and Susan Dell Foundation, Vumela Fund et DJ Black Coffee. Grâce à la plateforme, des milliers de « SweepStars » — les employés de l’entreprise — ont trouvé des clients au Cap, à Durban, à Johannesburg et à Pretoria. Selon Aisha, environ 84 % d’entre eux sont les premiers pourvoyeurs de revenus pour leur famille, sachant qu’auparavant, 71 % pointaient au chômage. La capacité de l’entreprise à trouver un emploi pour les intervenants qui s’inscrivent sur la plateforme est remarquable dans un pays où le taux de chômage se situe à 23 % selon les données du deuxième trimestre 2020.

SweepSouth a aussi élargi son offre, pour proposer toute une palette d’interventions à domicile : « Nous avons développé une activité de jardinage et créé une plateforme de services pour des travaux d’électricité, de plomberie et de bricolage. Le potentiel de développement est immense », conclut-elle.

La femme qui préside aux destinées de l’une des start-up technologiques les plus dynamiques d’Afrique du Sud n’est pas prête à lever le pied. Soucieuse de se développer en dehors du marché sud-africain, elle vient de lancer SweepSouth au Kenya et envisage de s’installer également en Afrique de l’Ouest. « Nous privilégions les pays du continent où les habitants rencontrent les mêmes problèmes que nous lorsque nous avons eu l’idée de créer SweepSouth. Les possibilités sont infinies », affirme-t-elle.