Gloria Mwaniga Odary
Le métier d’entrepreneur a ses hauts et ses bas : Niama El Bassunie le sait bien, elle dont les parents ont monté leur affaire il y a 45 ans, au Maroc. Son avenir était tout tracé : elle rejoindrait l’entreprise familiale, comme ses frères et sœurs. Contrairement à eux, cependant, elle a d’autres vues : pourquoi ne pas exploiter le potentiel du Net pour aider les petites entreprises en Afrique à vendre et s’approvisionner en ligne en toute sécurité ? Sa vision est celle d’une place de marché numérique panafricaine aussi diverse et animée que les kiosques, échoppes et magasins qui fleurissent sur le continent.
La jeune femme cofonde en 2016 WaystoCap, une plateforme de commerce sécurisée destinée à faciliter les échanges entre acheteurs et fournisseurs. La start-up est lancée dans cinq pays — Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Maroc et Togo —, mais avec l’objectif de s'étendre progressivement à d’autres. Elle permet désormais d’effectuer des transactions rapides sur des centaines de produits : tissu traditionnel, couches, huile d’argan, riz... Des milliers d’acheteurs et de fournisseurs y sont inscrits.
Sa fondatrice conçoit WaystoCap à la fois comme « une plateforme et une communauté ». C’est « un écosystème qui s’attache non seulement à faciliter les échanges, mais aussi à promouvoir le commerce en Afrique », explique-t-elle. « Le commerce est et restera le principal moteur de croissance en Afrique. Les petites et moyennes entreprises ne peuvent se développer et grandir qu’en ayant accès au commerce et aux outils qui vont avec. »
Si les entreprises ont tout à gagner d’un meilleur accès aux marchés, les échanges entre nations africaines sont également essentiels pour permettre à ces pays de faire croître leur économie, réduire la pauvreté et créer des emplois. Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, les exportations intracontinentales représentaient 16,6 % de la totalité des exportations en Afrique en 2017, contre 68,1 % en Europe, 59,4 % en Asie et 55 % sur le continent américain.
Niama El Bassunie. Photo : Niama El Bassunie
Dans le monde entier, des investisseurs ont répondu présent et soutenu les ambitions de WaystoCap pour le commerce en Afrique. Le grand incubateur de start-up Y Combinator a également cru en Niama El Bassunie, première dirigeante marocaine à bénéficier de son programme d’accélération. L’entrepreneuse a mis en pratique les leçons apprises et ne s’est pas arrêtée là. En 2018, WaystoCap est devenue la première jeune pousse d’Afrique du Nord à faire partie des « pionniers de la technologie » mis à l’honneur par le Forum économique mondial.
À l’instar des routes sinueuses qui relient les cinq pays africains desservis par la plateforme, le parcours de Niama El Bassunie avant de devenir start-uppeuse a connu bien des détours. « Je ne me suis jamais dit que je voulais devenir entrepreneuse. C'est simplement le fruit d’une succession de circonstances. »
En quête d’un emploi dans une entreprise bien établie, elle débute sa carrière à Londres, chez PwC. Elle y travaille de longues heures, et cette expérience lui donnera des bases qui l’aideront ensuite à créer sa propre entreprise, sans pour autant la préparer pleinement aux montagnes russes émotionnelles qui sont le propre des start-ups. « Il y a des phases extrêmement difficiles où on doit prendre des décisions compliquées en ce qui concerne son équipe et son activité », souligne Niama El Bassunie. « Le plus important est de rester motivé et persévérant pour pouvoir affronter les moments durs et de se rappeler qu’il ne faut pas laisser tomber. »
Tirant parti de son expérience, WaystoCap a su se développer pour répondre aux besoins de sa clientèle. « Au fur et à mesure que nous approfondissons nos activités, nous mettons au jour des inefficacités et des problèmes d’infrastructure, mais aussi de nouvelles opportunités », précise l’entrepreneuse. Pour remédier à ces dysfonctionnements, la start-up a innové et offre désormais des services d’assurance aux fournisseurs et de financement aux acheteurs, ainsi que des services logistiques.
Sa prochaine mission : s’étendre à un plus grand nombre de pays. « Le marché [africain] est plein d’avenir », conclut Niama El Bassunie. « L’Afrique est un vaste territoire de possibles, il y a de la place pour de nombreux acteurs, sur des créneaux divers. Il faut s'accrocher pour aller au bout de ses projets. »