Story

L’idéaliste

novembre 18, 2020

Gloria Mwaniga Odary

Tout petit déjà, Amadou Daffe aimait bidouiller ses jouets électroniques et ceux de sa sœur — une curiosité qui ne s’est pas démentie et l’a poussé à s’attaquer à des problèmes plus vastes et plus complexes. Quand il a entendu parler des cellules photovoltaïques, qui convertissent l’énergie lumineuse en électricité, Amadou Daffe s’est vu bâtir un système d’énergie solaire au Sahara : « J’ai toujours cherché à améliorer les choses », souligne-t-il.

Cet élan l’a accompagné tout au long de ses études d’informatique et pendant ses missions au sein de plusieurs entreprises aux États-Unis. Ayant observé que les sociétés occidentales externalisaient les services informatiques et d’appui en Asie, il s’est dit que « cela pourrait aussi marcher en Afrique : il suffit juste de constituer un vivier de talents high-tech en Afrique capables de s’imposer sur les marchés mondiaux. » Toujours soucieux d’améliorer la compétitivité de l’Afrique, sa nouvelle quête — créer une infrastructure de talents en Afrique — a réclamé toute son attention.


Amadou Daffe. Photo : Creative Lab Africa.

Lors de ses voyages de la côte Est à la côte Ouest de l’Afrique à la recherche des meilleurs ingénieurs logiciel, Amadou Daffe a pris conscience du retard du continent dans le domaine de la conception et de l’ingénierie logicielles, malgré tous les cerveaux parfaitement capables de devenir développeurs. Après son installation en Éthiopie en 2016, il fonde avec Hiruy Amanuel l’entreprise Gebeya : le but est de fournir aux professionnels africains de l’informatique les compétences nécessaires pour travailler pour des entreprises du continent et du reste du monde. Le modèle du départ — former des développeurs de logiciels — a évolué. Désormais Gebeya travaille avec des gestionnaires de projets et de produits, des graphistes et d’autres professionnels. Elle a aussi créé un incubateur d’entreprises, Gebeya Incubator, pour favoriser l’émergence d’entrepreneurs du numérique ainsi qu’une place de marché pour les compétences informatiques afin de rapprocher développeurs et entreprises à la recherche de ces profils.

La création d’une entreprise de ce type en Éthiopie était loin d’être évidente, Amadou Daffe le reconnaît, mais grâce au soutien d’investisseurs du monde entier, Gebeya a pu lever plus de 3,2 millions de dollars et se développer rapidement. Elle a également bénéficié des services de conseil d’IFC, ces efforts ayant été facilités par le soutien du ministère coréen de l’Économie et des Finances à travers le programme de partenariat Corée-IFC, de l’Initiative de financement en faveur des femmes entrepreneurs (We-Fi) et du Groupe de la Banque mondiale.

« Tout cela nous a permis de renforcer notre vivier de talents et d’améliorer l’offre sur la plateforme Gebeya », souligne Amadou Daffe. « En permettant à de jeunes Éthiopiens talentueux d’avoir accès à des opportunités partout dans le monde et à des salaires plus élevés, nous leur donnons les moyens d’aider leurs familles et leurs communautés. Il y a de vraies retombées économiques à la clé. » 

Gebeya a formé et délivré un diplôme à plus de 800 professionnels high-tech et mis en relation un tiers d’entre eux avec des employeurs en Afrique et ailleurs. Gebeya recrute également les meilleurs talents sur tout le continent : après un processus rigoureux de sélection et de tests, ces professionnels ont accès à de grandes multinationales et des start-ups. Son fondateur précise par ailleurs que ces recrues doivent faire preuve d’intégrité, de professionnalisme et de savoir-être : « [c’est ainsi] que se développent les entreprises. »

Ce parcours d’entrepreneur a appris à Amadou Daffe à exploiter les revers de fortune. Pour lui, c’est un enseignement très important : « l’échec, ce n’est pas grave si vous parvenez à rebondir. Chaque fois qu’une start-up échoue, ses créateurs doivent en profiter pour se dire qu’ils feront mieux la prochaine fois. »

Aujourd’hui, Amadou Daffe souhaite implanter Gebeya dans dix nouvelles grandes villes d’Afrique : « Je voudrais que dès que l’on parle talent, on ait le réflexe Gebeya. Si notre génération ne s’échine pas à bâtir des entreprises d’exception dont elle sera fière, elle risque de décevoir ses enfants. »