Ce récit fait partie d’une série de publications consacrées aux efforts déployés par IFC pour soutenir la création de marchés et offrir de nouvelles opportunités aux habitants des pays en développement. Ces approches innovantes contribuent à la résolution de problèmes majeurs à l’échelle d’un pays, voire de régions entières.
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Neha Sud, chargée de communication, IFC
ABIDJAN, Côte d’Ivoire — Lorsque la famille de Yannick Assale a créé le premier centre d’imagerie médicale du pays en 1996, elle savait qu’elle prenait un risque en raison des fréquentes coupures de courant. Un risque qui s’est matérialisé plus rapidement que prévu, à peine deux ans après l’ouverture du centre.
« Les fluctuations de puissance ont eu raison du scanner et de l’appareil IRM », explique Yannick Assale. « Ils étaient irréparables. Nous devions emprunter pour acheter de nouvelles machines, ainsi qu’un groupe électrogène. »
Mais leurs projets sont restés au point mort à la suite du coup d’État de 1999. Le pays a sombré dans une longue période de troubles sociaux et d’instabilité politique. Deux guerres civiles (de 2002 à 2007 et de 2010 à 2011) ont presque anéanti l’investissement et la croissance des entreprises en Côte d’Ivoire.
En 2012, le nouveau gouvernement a adopté une réglementation visant à attirer les investissements dans les infrastructures du pays. IFC, la Banque mondiale et d’autres institutions financières d’aide au développement ont commencé à étudier les différentes possibilités d’engagement.
Pour IFC, c’était l’occasion de terminer un travail commencé deux décennies plus tôt : développer massivement l’approvisionnement en électricité du pays.
Ce chantier a commencé dans les années 90, lorsque la Côte d’Ivoire a décidé de privatiser le secteur de l’électricité. L’Association internationale de développement (IDA), le fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres, a apporté 30 millions de dollars de garanties afin d’attirer les investisseurs privés. Ces garanties ont permis de mobiliser les financements nécessaires pour entamer la construction des centrales d’Azito et de la Ciprel (Compagnie ivoirienne de production d’électricité).
En 2011, à l’issue du conflit, la Côte d’Ivoire aspirait par-dessus tout à stimuler la croissance économique. Les autorités savaient que cette ambition serait vouée à l’échec en l’absence d’un approvisionnement électrique régulier et plus étendu. Le gouvernement a cherché à attirer des investissements pour développer les deux centrales, et les convertir à la technologie de production à cycle combiné (la chaleur d’échappement des turbines à gaz est récupérée et actionne une turbine à vapeur). Le but était de doubler la production d’électricité sans utiliser davantage de gaz naturel, un facteur important pour un pays dont les réserves de gaz sont limitées.
Un projet d’extension allait coûter 700 millions de dollars et nécessiter une expertise technique, des instruments de couverture de change, des swaps de taux d’intérêt et une assurance contre le risque politique. Cet ensemble de dispositifs était complexe à assembler et exigeait des capacités financières supérieures à celles que pouvait offrir un investisseur privé.
Les investisseurs étaient méfiants. Ils doutaient de la stabilité du pays et de la faisabilité des ambitieux projets du gouvernement.
Les autorités ivoiriennes se sont adressées à IFC et à la Banque mondiale, qui ont pris la décision de s’engager dans cette vaste opération.
Les deux institutions ont commencé par aider le gouvernement à mettre en œuvre des réformes destinées à faciliter l’investissement dans les centrales. IFC a ensuite investi 250 millions de dollars dans les travaux d’extension, et levé 535 millions de dollars supplémentaires auprès de huit banques de développement, démontrant ainsi qu’il est possible de mobiliser des financements un an seulement après la fin d’un conflit.
« IFC a joué un rôle central dans la mobilisation des financements nécessaires aux travaux d’extension, mais aussi pour rassurer les autres investisseurs », note Marc Albérola, Président du Conseil d’administration de la Ciprel.
Le projet d’extension des centrales s’est terminé en 2016. Il a permis de doubler leur capacité et de réduire les baisses de tension et les coupures de courant. Les deux usines fournissent désormais les deux tiers de la production d’électricité du pays. Si le secteur énergétique ivoirien continue de connaître des difficultés, le taux d’électrification avoisine à présent les 56 %, soit l’une des cinq meilleures performances en Afrique subsaharienne.
Pour la famille Assale aussi les choses ont changé.
« Le coût de l’électricité reste élevé, mais l’approvisionnement s’est nettement amélioré depuis 2012 », témoigne Yannick. « Notre entreprise est totalement dépendante de l’électricité. Un approvisionnement de meilleure qualité nous permet donc d’économiser sur le budget des générateurs. »
Leur centre d’imagerie médicale, baptisée La Rosette, compte désormais trois sites qui accueillent plus de 100 patients chaque jour. Et ce n’est pas la seule entreprise à considérer que l’année 2012 a marqué un tournant pour le pays.
Le développement du réseau électrique en Côte d’Ivoire a eu des répercussions positives sur l’économie nationale, mais également sur la région dans son ensemble. Par le biais du système d’échanges d’énergie électrique ouest-africain, la Côte d’Ivoire exporte son électricité vers plusieurs pays. La qualité de l’approvisionnement est particulièrement importante pour des pays enclavés comme le Burkina Faso et le Mali, dont la production d’électricité repose sur des systèmes coûteux fonctionnant au mazout lourd ou au fioul.
L’amélioration de la production d’électricité a des conséquences considérables sur la vie quotidienne des habitants. Karim Soumahoro est gérant d’une entreprise qui raccorde des entreprises et des habitations au réseau électrique. Il raconte que tout a changé dans son quartier, en périphérie d’Abidjan, après l’installation de poteaux électriques en 2013.
Quand j’étais petit, nous appelions cet endroit ‘les palmiers’, parce qu’il n’y avait rien ici, à part quelques maisons et quelques palmiers dans lesquels on chassait les écureuils », explique-t-il.
Aujourd’hui, c’est une zone de constructions et de commerces raccordée au réseau électrique, où les petites entreprises et les logements fleurissent au milieu des arbres. Le développement énergétique du pays se poursuit, au rythme des systèmes de climatisation, des perceuses et des tronçonneuses.
L’activité de Karim Soumahoro est en plein essor. Sa société compte 50 entreprises parmi ses clients et approvisionne en électricité quelques centaines de résidences privées chaque année.
Il conclut : « Après toutes les difficultés que notre pays a traversées, je sais par expérience que l’électricité est synonyme de développement. »
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Publié en mars 2018